Les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société. Ce faisant, il doit être tenu compte de tous les risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations qui sont apparus au cours de l'exercice auquel les comptes annuels se rapportent ou au cours des exercices antérieurs. Les charges et produits afférents à l’exercice ou à des exercices antérieurs doivent être exprimés dans le compte de résultats de l’exercice sans considération de leur date de paiement ou d’encaissement.  

La décision de constituer une provision pour risques et charges constitue une tâche particulièrement délicate pour l’organe de gestion d’une société. Il est souvent difficile d’évaluer les éléments incertains (le caractère probable d’un risque, d'une perte ou d’une charge et le montant probable de cette perte ou charge) qui sont l’origine de la provision à constituer. Cependant, la décision de comptabiliser ou non une provision peut avoir d’importantes répercussions sur l’image fidèle des comptes annuels et la pertinence des informations publiées par la société.

Conditions pour comptabiliser une provision

Afin que la comptabilisation d’une provision puisse être prise en compte de résultats, les conditions suivantes doivent être remplies :

  • Le risque ou la charge doit être nettement circonscrit quant à sa nature. Une provision ne peut être constituée pour une simple éventualité. La probabilité que l’évènement se produise doit être supérieure à la probabilité qu’il ne se produise pas.
  • A la date de clôture du bilan, le risque ou la charge doit être probable ou certain mais indéterminé quant à son montant. Cette condition implique que la cause justifiant la constitution d’une provision existe à la date de clôture du bilan de l’exercice concerné. Si la cause existe à la date de clôture du bilan, l’entreprise est tenue d’en tenir compte, même si elle ne prend effectivement connaissance de cette cause qu’entre la date de clôture et l’établissement des comptes annuels par l’organe de gestion. Si un évènement postérieur à la date de clôture est tel que sa non-divulgation est de nature à influencer l’image fidèle des comptes annuels, aucune provision n’est constituée, mais une mention appropriée est reprise dans l’annexe.
  • Le principe de rapprochement des charges et des produits doit être pris en considération. Les charges pour lesquelles une provision est constituée doivent être imputées à l’exercice au cours duquel la provision est constituée. En d’autres termes, les charges doivent découler d’activités exercées ou d’évènements survenus au cours de l’exercice ou d’exercices précédents.

La constitution et le maintien de provisions générales ou de provisions pour risques généraux ne sont pas autorisés. S’il s’agit de se prémunir contre un risque d’ordre général, l’organe de gestion peut proposer de placer tout ou partie du bénéfice à affecter en réserves disponibles ou dans une réserve indisponible statutaire.

En outre, les provisions ne peuvent avoir pour objet de corriger la valeur d’éléments de l’actif.

Provisions versus dettes

Il n’est pas possible de constituer une provision dans les comptes annuels pour des charges à payer nées au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur qui n’ont pas encore donné naissance à un titre juridique d’endettement, mais dont le montant est déterminé ou susceptible d’être estimé avec précision.

Lorsque le risque ou la charge est certain et que le montant est déterminé ou susceptible d’être estimé avec précision, il ne s’agit pas d’une provision, mais d’une dette. Il en va de même pour les charges nettement circonscrites quant à leur nature et à leur montant, dont la réalisation et le montant est certain, mais dont la date de réalisation est incertaine. Les comptes « 456 Pécule de vacances Â» et « 450 Dettes fiscales estimées Â» en sont des exemples type. Les charges en question sont déjà comptabilisées en tant que dettes même s’il n’existe pas encore de titre juridique d’endettement à la date de clôture du bilan.

Règles d’évaluation

Les provisions doivent être constituées systématiquement sur la base des méthodes arrêtées par l’organe de gestion et ne peuvent dépendre du résultat de la société.

Les règles d’évaluation doivent être suffisamment concrètes pour permettre d’apprécier les méthodes d’évaluation adoptées. Il importe que la définition des règles d’évaluation arrêtées par l’organe de gestion permette de vérifier concrètement l’application des critères retenus. L’organe de gestion doit constituer les provisions de telle sorte qu’� la date de clôture elles reflètent la meilleure estimation des coûts considérés comme probables ou, dans le cas d’une obligation, la meilleure estimation du montant nécessaire pour respecter cette obligation. Ainsi, l’estimation doit être réalisée sur base de critères sérieux.

Estimation du montant de la provision

En raison des incertitudes inhérentes aux opérations commerciales, le montant de la provision ne peut être évalué de manière exacte, et ne peut être qu’estimé. La constitution d’une provision doit reposer sur une évaluation de bonne foi et avec circonspection, dans le respect des critères de prudence et de sincérité.

Les estimations doivent être fondées sur une évaluation prudente par l’organe de gestion de l’entreprise et sur base des dernières informations fiables disponibles. Les estimations doivent être calculées sur une base objective, complétées par l’expérience des situations similaires et, dans certains cas, par des rapports d’experts indépendants.

Une provision doit, à la date de clôture, représenter la meilleure estimation des charges qui sont considérées comme probables ou, en cas d’obligation, la meilleure estimation du montant nécessaire pour satisfaire à cette obligation à la date de clôture du bilan.

Les provisions pour risques et charges ne peuvent être maintenues dans la mesure où elles excèdent, en fin d’exercice, une appréciation actuelle, au regard des critères de prudence, de sincérité et de bonne foi, des charges et risques en considération desquels elles ont été constituées.

Risques et charges aléatoires

Dans le cas où, à défaut de critères d’appréciation objectifs, l’estimation des risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations est inévitablement aléatoire, il en est fait mention dans l’annexe si les risques en cause sont importants au regard de l’image fidèle.

Lorsqu’il n’y a pas de critères d’appréciation objectifs, l’importance d’un risque ou d’une perte nettement circonscrite et prévisible peut non seulement être incertaine, mais aussi être totalement « indéterminable Â». Par conséquent, aucune provision ne peut être constituée au risque de compromettre le caractère fidèle des comptes annuels. Toutefois, une mention appropriée doit être faite dans les annexes lorsque l’importance est matérielle.

Dans la pratique, il se peut que la probabilité d’un risque déterminé soit certaine à la clôture des comptes, mais que son estimation donne lieu à une série de montants, tous aussi acceptables les uns que les autres. Dans ce cas, une provision doit être constituée au moins à concurrence du plus petit montant estimé. Parallèlement, les montants tout aussi acceptables qui sont plus élevés et la façon dont ils ont été évalués doivent être mentionnés dans l’annexe. Il convient également d’indiquer dans l’annexe la nature du risque en question.

Points d’attention fiscaux

D’un point de vue fiscal, le principe d’annualité implique que les sociétés ne peuvent, en principe, que déduire les frais professionnels qui ont effectivement été faits ou supportés pendant la période imposable ou qui ont acquis le caractère de dettes certaines et liquides. Les provisions pour risques et charges constituent une exception à ce principe et sont dès lors anticipativement exonérées. Il est néanmoins requis que la provision soit constituée en vue de faire face à un risque ou une charge qui, lorsqu’il surviendra, sera déductible à titre de frais professionnels.

Depuis 2018, les conditions d’exonération des provisions pour risques et charges sont plus strictes. L’exonération n’est désormais applicable que dans deux situations : d’une part, pour les risques et charges découlant d’obligations contractuelles contractées par l’entreprise au cours de la période imposable, d’autre part pour les risques et charges découlant d’obligations légales ou réglementaires, autres que celles découlant uniquement des réglementations comptables ou relatives aux comptes annuels. Les provisions relatives aux obligations de garantie ou aux litiges en cours sont, par exemple, exonérées. En revanche, les provisions pour grosses réparations ou entretiens ne sont plus exonérées depuis 2018, à moins qu’elles ne résultent d’obligations contractuelles ou légales. En outre, la reprise des provisions parmi les réserves taxées ne signifie pas qu’elles ne seront jamais déductibles. La réserve taxée disparaîtra lorsque la charge pour laquelle la provision a été constituée deviendra certaine et exigible.

Les provisions doivent être comptabilisées au plus tard au moment de la clôture des comptes annuels de la période imposable. Il est également important qu’avant la date de dépôt de la déclaration fiscale, le montant subsistant soit expliqué et justifié.